Archives quotidiennes : avril 4, 2010

Un nouveau directeur à la tête de la Conadi

Le nouveau directeur de la Conadi Francisco Painepán

Le 22 mars 2010, le nouveau directeur de la Corporation Nationale de Développement Indigène a été désigné : il s’agira de Francisco Painepan Parada, entrepreneur mapuche de 61 ans, qui succédera à Álvaro Marfil à la tête de cette institution particulière. Sa première mission sera de réaliser une estimation des dégâts causés par le tremblement de terre aux communautés mapuche, particulièrement dans les zones côtières.

La Conadi est une institution à part : censée rétablir le dialogue entre les populations indigènes et les autorités gouvernementales au moment de sa création, ses activités et son fonctionnement ont très rapidement été biaisés et critiqués. Pourtant elle était le signe d’un pas en avant pour le dialogue interculturel, un effort spontané pour répondre aux attentes d’une part de la société civile. A chaque nouveau directeur nommé, se sont de nouveaux espoirs qui sont formulés.

Création et rôle de la Conadi

Logo de la Conadi

La dictature fut une période terrible par rapport aux droits de l’homme, on s’imagine donc sans peine ce qu’il en a été de la reconnaissance de droits indigènes. La fin de ce régime inversa positivement la donne. Le grand acte de l’Etat chilien en faveur des indigènes (Mapuche, Rapa Nui, Aymara, Quechua, Atacameña, Diaguita…) fut la loi nº19.253 de 1993 qui créa la Corporation Nationale pour le Développement Indigène (CONADI) : la loi indigène établit le devoir de la société en général et de l’Etat en particulier de « respecter, protéger et promouvoir le développement des indigènes, de leurs cultures, familles et communautés, en adoptant les moyens adéquats pour parvenir à ces fins, protéger les terres indigènes, veiller à leur exploitation appropriée pour leur équilibre écologique et prévoir leur agrandissement » (art.1-3). La CONADI devait être l’organe permettant de promouvoir, coordonner et exécuter la politique de l’Etat en faveur des indigènes. Cette loi reconnaissait entre autre des droits politiques et citoyens : les indigènes devaient s’organiser en communautés ou associations (en 2002 la CONADI relevait 1538 communautés et 333 associations), ce qui, outre l’aspect légal et juridique, permettait la reconstitution approximative des lofs ancestraux (territoires). Des aires de développement furent définies, la CONADI devait servir d’organe participatif et la loi protégeait le patrimoine historique et intégrait les indigènes dans la politique de préservation du milieu naturel. Mais plus important que tout, le droit à la terre avec le rachat progressif des territoires ancestraux, et le droit à l’accès à l’éducation et à la culture au travers des bourses étudiantes, de construction d’écoles, furent mis en avant.

Quatre fonds principaux contribuent au développement économique et culturel des peuples indigènes : les fonds des Terres et Eaux Indigènes, le Fond de Développement Indigène et le Fond de Culture et d’Education Indigène et le Programme Origine.

Un organisme critiqué : l’échec de la Conadi ?

Selon un reportage de Constanza Fuentes et Maximilio Martinez de novembre 2009 (source) à la suite d’une grève des fonctionnaires de la Conadi, “l’organisation manque de moyens financiers et humains nécessaires pour répondre aux nombreuses attentes de la population indigène et se caractérise par le manque de probité de ses dirigeants. Par exemple l’unique avocat conciliateur de la Conadi pour 6.000 dossiers, est Lohengri Ascensio, qui proteste contre l’impossibilité de répondre à temps aux demandes”. Il n’est pas rare qu’un dossier de demande de récupération de terres dorme au coin d’un bureau une dizaine d’années alors qu’il est dûment complété, attendant d’être traité. Les irrégularités administratives sont monnaies courantes ainsi que l’instabilité des fonctionnaires qui commettraient l’erreur de manifester leur désapprobation face à certaines situations.

Dans ce meme article, José Aylwin, avocet et co-fondateur de l’ONG Observatorio Ciudadano de Temuco, souligne que la Conadi au cours de ces dernières années a davantage répondu à des pressions extérieures qu’à des critères objectifs. Des instances exécutives comme le Conseil National de la Conadi étaient originellement pensées comme des espaces de co-gestion de la politique publique, avec la participation représentative des indigènes, mais aujourd’hui ceux qui prennent les décisions en matière de territoires ne le font pas au nom d’un mandat représentatif attribué par leur peuple, mais au nom d’intérêts personnels. La Conadi a vu apparaitre un vrai clientélisme en son sein, ce qui est remarquable au niveau de certaines anomalies appelées “cas spéciaux” où l’on retrouve l’action coordonnée d’options politiques qui bénéficient à certaines communautés et individus liés aux Conseils Nationaux de l’institution indigène. Ecrit à l’encre sympathique, s’adresser au triumvirat Hilario Huirilef (PPD), Richard Mancilla (PS) et le député Eugenio Tuma est un passage obligatoire pour réussir un rachat de terrains, du fait du fort lobby qu’ils exercent au Conseil de la Conadi et s’ils sont d’accord.

La Corporation s’est convertie en un instrument de rachat de terres, comme l’indique la loi de finance de 2008, au détriment du développement éducatif et culturel. Politisée, monétisée, rationée, la Conadi part d’un chemin pavé de bonnes intentions mais couvert d’ornières politiques où les intérêts particuliers priment. De nombreux membres de la société civile souhaitent une refonte de la loi et un contrôle plus fort de l’institution pour éviter les dérives.

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