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Les Alréens sont Mapuche

Au fil de ces trois belles journées de weekend ensoleillé (il y a deux semaines, la pluie nous a rattrapé depuis lors), les Bretons du Morbihan ont pu visionner des films sur les enjeux des questions amérindiennes, et spécialement Mapuche, grâce à l’organisation sans faille de l’association de commerce équitable Ingalañ, en soutien aux communautés affectées par le tremblement de terre du 27 février dernier. L’Université de Bretagne Sud de Lorient a accueilli la première projection le vendredi 4 juin avec le film Territorio de Fronteras (2007) de Guido Brevis. Les 5 et 6 juin les projections et débats ont continué au cinéma Les Arcades de Auray, avec un buffet de solidarité où les visiteurs pouvaient déguster de délicieuses empanadas imbibées de pebere, des sopaipillas en même temps que des galettes dégoulinantes de beurre salé dans la plus pure tradition bretonne. Des hôtes de marque étaient conviés comme Marcelo Calfuquir, Nestor Salazar ou encore Patricio Millapán Rivera.

Je n’ai hélas pu participer qu’à la journée de samedi spécialement orientée sur le thème du tremblement de terre et de la découverte du peuple mapuche et de ses problèmes. Deux films étaient à l’affiche : Mari Chi Weu (2001) de Stéphane Goxe et Christophe Coello, et Ahora quieren el agua (maintenant ils veulent l’eau) (2009) de Mauricio Duran et Nanette Liberona. Voilà donc l’occasion de présenter ces deux nouveaux films et d’éventuelles remarques les accompagnant.

Je tiens à remercier une fois encore l’association Ingalan pour son initiative et son accueil, le cinéma Les Arcades d’Auray et son équipe (en souhaitant plein de belles choses aux futurs et heureux parents) ainsi que Yvon et Colette pour leur hospitalité. Un saludo especial a los peñis quienes abriron las puertas de sus recuerdos y pasiones.

¡ Chaltumai !

Mari Chi Weu” de Stéphane Goxe et Christophe Coello, France, 2001, 62’

« Mari Chi Weu, mille fois nous vaincrons ! » cri de guerre et de ralliement des Mapuche, avec ce titre le film annonce les couleurs : le bleu du ciel et le vert de l’herbe sur un sol rouge sang, une bannière pour une nation. Les Mapuche sont un peuple de guerriers, de caciques, ils ont lutté contre les conquistadors au 16e siècle. Aujourd’hui les « hommes aux yeux bleus » ont changé de forme, les néo-conquistadors sont les grands propriétaires terriens, ou latifundistas, les multinationales, les forestales, à qui appartiennent officiellement les terres, faisant fi de la morale et des traditions ancestrales des indigènes qui vivaient ici bien avant eux. Aujourd’hui tout leur appartient, mais les Mapuche veulent récupérer leur bien, par la force s’il le faut.

« Es una guerra que estamos haciendo », « c’est une guerre que nous menons », dit un jeune témoin au visage cagoulé. Les communautés se sont coordonnées pour récupérer directement leurs territoires, en occupant physiquement des terres dont ils n’avaient même pas besoin de réclamer la propriété jadis, ce terme leur étant jusqu’alors inconnu. « Il ne s’agit pas de voler, il s’agit de récupérer » cependant pour les propriétaires et l’Etat, ces actions sont une forme de terrorisme. Des terroristes avec des bâtons et des pierres. Deux discours s’affrontent, où chacun pense être dans son bon droit. Une réclame de la société forestière Mininco affiche « Une entreprise investie dans le développement rural » quand le maire de Tirúa à l’époque, Adolfo Millabur, affirme qu’il n’y a eu aucune création d’emploi à cause de la mécanisation et de la technicité supérieure des nouveaux moyens de production, auxquels les Mapuche du sud du pays ne sont pas formés.

Le film de Stéphane Goxe et Christophe Coello est un témoignage courageux, ils se sont placés au plus près des communautés pour recueillir leurs impressions et leur colère. Evidemment, la partialité est de mise, mais c’est aussi donner la voix à un peuple qui ne l’a pas chez lui. En revanche la situation a beaucoup évolué depuis 2001, les affrontements avec la police et les accusations de terrorisme sont devenus plus systématiques, ce qui en fait un film un peu daté et à actualiser.

« Ils nous ont fait beaucoup de promesses, mais n’en ont tenu qu’une seule : la mort » Patricio Rivera Millapán.

Ahora quieren el agua

Ahora quieren el agua” de Mauricio Dunan et Nanette Liberona, Chili, 2009, 67’

« Primero nos quitaron la tierra, segundo los bosques, ahora quieren el agua », « D’abord ils nous ont pris la terre, puis les arbres, et maintenant ils veulent l’eau ». Le documentaire de Mauricio Dunan et Nanette Liberona a été très peu discuté et analysé, alors qu’il aborde un problème sous un jour nouveau. On se souvient du billet précédent sur l’entreprise Endesa et l’usine hydroélectrique de Ralco ; elle réapparait bien sûr ici, aux côtés de SN Power, de Colbún, et de tant d’autres… D’un bien social, l’eau est devenue un bien économique, un moyen d’enrichissement individuel. C’est une ressource stratégique qui fait l’objet de négociations et de tractations.

Les Mapuche ruraux ont une conception originale de la terre. Quand un winka (un étranger, un « blanc », en mapudhungun) possède un terrain, il veut l’exploiter au maximum, utiliser chaque acre disponible ; le Mapuche lui ne l’utilise pas entièrement, il cultive son jardin à l’instar de Candide, mais seulement pour ce dont sa famille a besoin, ni plus, ni moins. A quoi cela lui servirait d’accumuler à outrance, de laisser pourrir des fruits qu’il ne mangera pas, de s’encombrer inutilement ? Cette attitude leur a valu toute leur vie le sobriquet de « feignant », « d’incapable ». Pourtant il n’y a pas deux hommes comme un Mapuche pour cultiver la terre à bras le corps, avec des moyens rudimentaires, et en sortir les plus beaux légumes, élever les plus belles bêtes. Simplement ils ne prennent pas ce dont ils n’ont pas besoin, le tout saupoudré de religiosité et de respect de la Pachamama.

Les populations locales sont impuissantes face à la construction d’un barrage. Un vieil homme marmonne même, haussant les épaules : « Moi, je n’ai même pas l’électricité chez moi, à quoi il me servirait ce barrage ? ». Le film abat les chiffres comme des coups de massues sur la tête du public : cette électricité sera exportée en Argentine, le Chili est une puissance énergétique excédentaire, et la plus grande partie de la production électrique n’est pas destinée aux foyers (à peine à hauteur de 15%) mais à l’industrie et à l’armée, ce qui laisse songeur. C’est le cercle vicieux du productivisme capitaliste (au sens d’accumulation des ressources) où les éléments et bénéfices de l’économie sont remis au service de cette même économie… Jusqu’à ce que la digue cède.

Certains comme Sara Larraín rêvent d’un « Chili durable » avec une utilisation parcimonieuse des ressources et militent pour refaire de l’eau un bien social.

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Projection – Débat

Une projection-débat au Papier Timbré le jeudi 8 avril 2010. Le film projeté, « Apaga y vamonos », sera l’occasion d’une réflexion sur la notion de propriété en Amérique Latin et surtout au Chili. Qui possède quoi ? Comment se négocie l’implantation des entreprises étrangères ? Comment les revendications des indigènes (à prendre au sens de peuple originaire) sont prises en compte ? L’exemple de la multinationale espagnole Endesa est emblématique des frictions concernant le droit de propriété au Chili, mais ce n’est pas un cas isolé, on pensera notamment à Celco et aux conflits fratricides des populations lafkenche à son égard. La projection et le débat seront synthétisés plus tard dans un article de ce blog. Si vous êtes sur Rennes à ce moment-là, profitez-en pour passer et discuter autour d’une cela bien fraîche.

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