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Appel à manifestation mercredi 15 septembre

CHILI : TOUS VIVANTS, TOUS LIBRES !

SOLIDARITÉ AVEC LES 34 PRISONNIERS POLITIQUES  MAPUCHE EN GRÈVE DE LA FAIM !

Au sud du Chili,  34 Prisonniers Politiques Mapuche sont en grève de la faim depuis plus de 60 jours, répartis dans six prisons, pour faire connaître et aboutir leurs revendications.

Les médias ont fait connaître au monde entier la situation dramatique des 33 mineurs chiliens prisonniers des entrailles de la terre. Au même moment, 34 Prisonniers Politiques Mapuche risquent leur vie dans une inacceptable indifférence. Ils se battent ainsi que leurs familles pour dénoncer le silence des médias et le mépris des autorités pour leurs revendications. Symbole fort, ajoutons que 4 députés de la Commission des Droits de l’Homme de la Chambre Basse ont rejoint le mouvement le 9 septembre dernier, il s’agit de Manuel Monsalve (PS), Sergio Aguiló (PS), Tucapel Jiménez (PPD) et Hugo Gutiérrez (PC).

Injustement victimes de la loi antiterroriste héritée de l’époque Pinochet, ils ont pris l’ultime des décisions pour se faire entendre.

Pourquoi  cette « injustice »?

La loi 18.314, connue sous le nom de « loi antiterroriste », est utilisée, aujourd’hui, principalement pour stigmatiser et écraser les mouvements sociaux et particulièrement ceux du Peuple Mapuche. Les actuels accusés (96 au total) se trouvent judiciairement dépourvus de tous les moyens de défense du Droit commun, ce qui se traduit par une série d’irrégularités :  « présomption de culpabilité », détentions arbitraires, tortures et châtiments psychologiques, détentions provisoires prolongées, non-signification des charges retenues contre eux, accusations basées sur des déclarations de “témoins sans visage” avec lesquels il n’y aura aucune confrontation, déplacements arbitraires et harcèlement incessant de la police chilienne dans leurs communautés.

À l’appel lancé par le « Collectif des familles des prisonniers politiques Mapuche au Chili », pour soutenir internationalement les revendications de ces hommes et enfants en grève de la faim, le Collectif de soutien au Peuple Mapuche en France* soutient  leurs revendications :

– La fin d’utilisation de la loi 18.134, connue sous le nom d’antiterroriste, appliquée  par le régime de Pinochet à l’encontre des opposants à la dictature et, à présent, tout spécialement à l’encontre du Peuple Mapuche;

– La fin du double jugement – civil et militaire  – imposé aux inculpés Mapuche pour des affaires à caractère civil.

– La révision de tous les jugements antérieurs concernant les membres de communautés Mapuche condamnés au titre de la loi antiterroriste.

–  La reconnaissance de leurs droits environnementaux, sociaux, culturels et politiques, en accord avec la Convention 169 de l’OIT approuvée par le Congrès chilien et en vigueur depuis septembre 2009.

Par conséquent, nous appelons à manifester notre solidarité avec les Mapuche en grève de la faim, Mercredi 15 septembre 2010, à partir de 19h, place Salvador Allende, face à l’Ambassade du Chili.

12 septembre 2010

(*) Ce Collectif regroupe la Fondation France-Libertés, l’AFAENAC, la Commission Amérique Latine du MRAP, le Collectif pour les Droits de l’Homme au Chili,  le Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques – CSIA Nitassinan, l’Association France Amérique Latine, l’Association des Ex-réfugiés politiques de Fontenay-sous-Bois, l’Association RELMU Paris, l’Association Terre et Liberté pour Arauco, l’association Nuevo Concepto Latino, l’Association La Bizikleta. En présence de Danielle Mitterrand et de José Aylwin.

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Grève de la faim des prisonniers Mapuche dans les prisons du Sud du Chili (bilingue)

Les prisonniers politiques Mapuche en grève de la faim demandent à Pinera l’abrogation de la loi antiterroriste

Le lundi 12 juillet passé, 14 prisonniers politiques mapuche de Temuco et 5 autres de Concepción, auxquels se sont joints 10 de Angol, 2 de Lebu et un de Valdivia, ont débuté une grève de la faim (liquide) « jusqu’à ses conséquences finales », pour forcer le gouvernement de Sebastián Piñera à répondre à leur situation, « ainsi qu’il l’a fait avec les prisonniers de la droite dissidente cubaine », thème faisant les grands titres de la presse chilienne ces derniers temps.

Très récemment les pages des journaux chiliens monopolisés par la droite politique étaient remplis par la propagande du gouvernement chilien à propos de « ses » démarches pour la liberté des prisonniers politiques à Cuba. Cependant les raisons données pour mener une action au niveau international reposent sur des affirmations ambigües. On parle de « prisonniers politiques injustement détenus », de « prisonniers de conscience » et on défend l’idée de la liberté d’opinion partout dans le monde. On ne parle pas avec autant de « ferveur » des prisonniers politiques mapuche. Au contraire, le gouvernement cherche toujours à légitimer l’emprisonnement des gens de la terre qui luttent [pour leurs droits] et les qualifie de terroristes et de délinquants.

Selon le rapport de 2010 de la Commission Ethique Contre la Torture, il y aurait actuellement un total de 57 prisonniers politiques mapuche (en incluant 2 femmes et 2 mineurs) répartis dans les prisons des villes du Sud du Chili.

Les demandes des prisonniers politiques incarcérés se centrent sur l’abolition de la loi Antiterroriste et de la Justice Militaire créées par Pinochet en temps de dictature (1973-1990), les plus sévères en matière de législation chilienne. Ces deux législations sont toujours utilisées et même renforcées par le gouvernement actuel de Sebastián Piñera pour faire taire les revendications territoriales, bien que l’ancienne présidente Michelle Bachelet eût promis leur réforme. Le Chili a déjà été condamné par la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme pour l’application de la justice militaire sur son territoire (cas « Palamara », 2005) et des organismes dépendants des Nations Unies ont présenté au Chili l’incompatibilité de la loi antiterroriste avec les luttes sociales. Cependant l’Etat Chilien ne met toujours pas en application les recommandations formulées par ces différentes instances. Selon Human Rights Watch, en sus de la violation des droits de l’Homme qu’implique l’usage de la loi Antiterroriste, les mapuche ont fréquemment été les victimes de maltraitance physique et de traitement dégradant de la part de la police. L’application abusive de cette loi, en ce qui concerne les prisonniers politiques mapuche, marque le déni de leur droit à la légitime défense, en les maintenant en prison pour une durée indéterminée sans respecter la présomption d’innocence. Il faut y ajouter le recours à des « témoins sans visage », rendus anonymes sous couvert de protection. De surcroit, certains des prisonniers sont jugés par deux fois lorsqu’ils sont sujets à une procédure civile en parallèle de la justice militaire. En effet le 4 novembre 2009 la Cour Martiale du Chili a déclaré que les mapuche accusés de terrorisme seront doublement jugés pour les mêmes faits, ce qui, selon les avocats de la défense, est très clairement incompatible avec le respect des droits de l’Homme.

A la lumière de ces éléments il apparaît manifeste que ces lois visent à criminaliser toutes les revendications du peuple mapuche, à travers des jugements partiaux et interminables dans lesquels est mise en application une Loi dont la finalité n’est autre que d’exercer une politique inégale, humiliante et discriminante à l’encontre d’un peuple indigène.

Pour toutes ces raisons, les prisonniers politiques en grève de la faim ont déclaré qu’ils mettront un terme à cette action seulement si les demandes suivantes trouvent un écho :

–          la non-application de la loi 18.314 dite Antiterroriste dans le cas du conflit mapuche ;

–          la remise en liberté de tous les jeunes, lonkos, et dirigeants mapuche ;

–          la fin de la Justice Militaire dans le cas des mapuche et la fin d’un double-jugement à la fois civil et militaire pour un même fait ;

–          la fin des montages politico-judiciaires qui vicient toutes les procédures, la non utilisation de témoins sans visage et en finir avec des pratiques qui fragilisent les droit de l’Homme les plus élémentaires, comme l’extorsion, la menace, la torture tant physique que psychologique et les conditions dégradantes des centres de réclusion ;

–          la démilitarisation des zones mapuche dans lesquelles les communautés revendiquent des droits politiques et territoriaux ;

–          la restitution immédiate du territoire ancestral usurpé en partie par l’Etat Chilien.

Nous lançons un appel aux organisations sociales et politiques chiliennes et internationales pour se mobiliser et appuyer le processus de lutte et de résistance lancé depuis les prisons chiliennes.

Iván CURIKEO

Anaïs ROESCH

Traduction : Elie MILLER

Foto de Alejandro Stuart. http://www.alejandrostuart.com

Con huelga de hambre presos políticos Mapuche exigen a Piñera el fin de la ley antiterrorista

El lunes 12 de julio del presente, 14 presos políticos mapuche de Temuco y 5 de Concepción, a los que se han sumado 10 en Angol, 2 en Lebu y 1 en Valdivia desarrollan una huelga de hambre liquida “hasta las últimas consecuencias”, emplazando al gobierno del presidente Sebastián Piñera a abordar su situación, “tal como lo ha hecho con los presos de la derechista disidencia Cubana”, tema que ha ocupado grandes espacios en la prensa chilena.

Hace poco los periódicos chilenos que responden al monopolio de la Derecha estuvieron plagados de propaganda del gobierno chileno sobre “sus” gestiones por la libertad de los presos políticos de Cuba. Hubo afirmaciones ambiguas sobre las razones para llevar a cabo esta acción en el plano internacional. Se hablo de “presos políticos detenidos injustamente”, de “presos de conciencia” y se defendió la idea de que los “presos de conciencia” no deben existir en ninguna parte… No se habla con ese “fervor” de los presos políticos Mapuche. Al contrario, se busca legitimar la prisión de la gente de la tierra por luchar y se le califica de terroristas y delincuentes.

Según el informe 2010 de la Comisión Ética Contra la Tortura existe un total de 57 presos políticos mapuche en la actualidad (incluyendo 2 mujeres y 2 menores de edad), repartidos en ciudades del sur de Chile. Al sumarles los procesados con medidas cautelares, la cifra se eleva a 96.

Las demandas de los presos políticos mapuche encarcelados se centran en la abolición de la Ley Antiterrorista y justicia militar creada por Pinochet en tiempo de dictadura militar (1973-1990), ley más dura de la legislación chilena. Ambas legislaciones siguen siendo utilizadas y reforzadas por el actual gobierno Piñera, para callar las reivindicaciones territoriales, aunque  el gobierno Bachelet había prometido la abolición de esta dicha ley. Por la utilización de la justicia militar, Chile ya fue condenado por la Corte Interamericana de Derechos Humanos (caso Palamara 2005) en tanto que organismos dependientes de Naciones Unidas han representado al gobierno chileno en diversas oportunidades la inconveniencia de aplicar la legislación antiterrorista a la lucha social. Sin embargo el Estado chileno todavía no cumple las recomendaciones formuladas por esas instancias. Según Human Rights Watch, además de las violaciones de los Derechos Humanos que conlleva el uso de la ley Antiterrorista, los Mapuche han sido frecuentemente victimas del maltrato físico y trato degradante por parte de la policía. El abuso de esta Ley, en respecto a los presos políticos Mapuche significa también denegar sus derechos a legítima defensa, manteniéndolos en prisión preventiva indefinida, no respetando la presunción de inocencia. A eso se añade el uso de “testigos sin rostro”, testigos protegidos. Encima de todo algunos de los presos están siendo sometidos a un doble juzgamiento por la justicia civil y al mismo tiempo por la justicia militar. En efecto, el 4 de noviembre de 2009 la Corte Marcial de Chile ratificó que los Mapuche tendrán que ser doblemente juzgados por el mismo hecho, lo que según los abogados defensores es claramente incompatible.

Con todo esto queda de manifiesto que el uso de estas legislaciones implica criminalizar todas las demandas del pueblo Mapuche, a través de juicios parciales e interminables en los cuales se aplica una Ley cuya finalidad no es otra que de ejercer una política de desigualdad, aplastamiento y discriminación de un pueblo originario.

Por lo anterior, los presos políticos en huelga de hambre declararon que solo depondrán esta medida si se cumplen las justas demandas siguientes:

–         La NO aplicación de la ley 18.314 o Ley antiterrorista en causas mapuche

–         Libertad a todos los jóvenes, lonkos y dirigentes Mapuche

–         NO al procesamiento de la Justicia Militar en causas mapuche y el fin del Doble procesamiento civil-militar por un mismo hecho

–         Fin a los Montajes político-judiciales que implican el termino de procesamientos externos y viciados, la no utilización de los testigos sin rostros y el termino de prácticas que vulneran los derechos humanos básicos como la extorsión, amenazas, torturas tantos físicas como psicológicas y las condiciones degradantes en los centros de reclusión

–         Desmilitarización en las zonas mapuche en que las comunidades reivindican derechos políticos y territoriales

–         Devolución inmediata del territorio ancestral que se le fue usurpado por parte del Estado chileno

Hacemos un llamado a las organizaciones sociales y políticas de Chile y el mundo a movilizarse en apoyo a este proceso de lucha y resistencia desde las cárceles chilenas.

Note pour le lecteur : les lignes précédentes sont la retranscription d’un message reçu puis traduit, visant à être diffusé le plus largement possible. Sa présence sur ce blog appelle à discussion et soulève des questions, tous les éléments n’ont pas été vérifiés au préalable. Ce message revêt cependant un caractère sérieux puisqu’il émane de jeunes gens présents sur place et ayant des liens avec la société civile locale et des organisations non gouvernementales fiables, dont l’Observatoire Citoyen de Temuco.

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Un nouveau directeur à la tête de la Conadi

Le nouveau directeur de la Conadi Francisco Painepán

Le 22 mars 2010, le nouveau directeur de la Corporation Nationale de Développement Indigène a été désigné : il s’agira de Francisco Painepan Parada, entrepreneur mapuche de 61 ans, qui succédera à Álvaro Marfil à la tête de cette institution particulière. Sa première mission sera de réaliser une estimation des dégâts causés par le tremblement de terre aux communautés mapuche, particulièrement dans les zones côtières.

La Conadi est une institution à part : censée rétablir le dialogue entre les populations indigènes et les autorités gouvernementales au moment de sa création, ses activités et son fonctionnement ont très rapidement été biaisés et critiqués. Pourtant elle était le signe d’un pas en avant pour le dialogue interculturel, un effort spontané pour répondre aux attentes d’une part de la société civile. A chaque nouveau directeur nommé, se sont de nouveaux espoirs qui sont formulés.

Création et rôle de la Conadi

Logo de la Conadi

La dictature fut une période terrible par rapport aux droits de l’homme, on s’imagine donc sans peine ce qu’il en a été de la reconnaissance de droits indigènes. La fin de ce régime inversa positivement la donne. Le grand acte de l’Etat chilien en faveur des indigènes (Mapuche, Rapa Nui, Aymara, Quechua, Atacameña, Diaguita…) fut la loi nº19.253 de 1993 qui créa la Corporation Nationale pour le Développement Indigène (CONADI) : la loi indigène établit le devoir de la société en général et de l’Etat en particulier de « respecter, protéger et promouvoir le développement des indigènes, de leurs cultures, familles et communautés, en adoptant les moyens adéquats pour parvenir à ces fins, protéger les terres indigènes, veiller à leur exploitation appropriée pour leur équilibre écologique et prévoir leur agrandissement » (art.1-3). La CONADI devait être l’organe permettant de promouvoir, coordonner et exécuter la politique de l’Etat en faveur des indigènes. Cette loi reconnaissait entre autre des droits politiques et citoyens : les indigènes devaient s’organiser en communautés ou associations (en 2002 la CONADI relevait 1538 communautés et 333 associations), ce qui, outre l’aspect légal et juridique, permettait la reconstitution approximative des lofs ancestraux (territoires). Des aires de développement furent définies, la CONADI devait servir d’organe participatif et la loi protégeait le patrimoine historique et intégrait les indigènes dans la politique de préservation du milieu naturel. Mais plus important que tout, le droit à la terre avec le rachat progressif des territoires ancestraux, et le droit à l’accès à l’éducation et à la culture au travers des bourses étudiantes, de construction d’écoles, furent mis en avant.

Quatre fonds principaux contribuent au développement économique et culturel des peuples indigènes : les fonds des Terres et Eaux Indigènes, le Fond de Développement Indigène et le Fond de Culture et d’Education Indigène et le Programme Origine.

Un organisme critiqué : l’échec de la Conadi ?

Selon un reportage de Constanza Fuentes et Maximilio Martinez de novembre 2009 (source) à la suite d’une grève des fonctionnaires de la Conadi, “l’organisation manque de moyens financiers et humains nécessaires pour répondre aux nombreuses attentes de la population indigène et se caractérise par le manque de probité de ses dirigeants. Par exemple l’unique avocat conciliateur de la Conadi pour 6.000 dossiers, est Lohengri Ascensio, qui proteste contre l’impossibilité de répondre à temps aux demandes”. Il n’est pas rare qu’un dossier de demande de récupération de terres dorme au coin d’un bureau une dizaine d’années alors qu’il est dûment complété, attendant d’être traité. Les irrégularités administratives sont monnaies courantes ainsi que l’instabilité des fonctionnaires qui commettraient l’erreur de manifester leur désapprobation face à certaines situations.

Dans ce meme article, José Aylwin, avocet et co-fondateur de l’ONG Observatorio Ciudadano de Temuco, souligne que la Conadi au cours de ces dernières années a davantage répondu à des pressions extérieures qu’à des critères objectifs. Des instances exécutives comme le Conseil National de la Conadi étaient originellement pensées comme des espaces de co-gestion de la politique publique, avec la participation représentative des indigènes, mais aujourd’hui ceux qui prennent les décisions en matière de territoires ne le font pas au nom d’un mandat représentatif attribué par leur peuple, mais au nom d’intérêts personnels. La Conadi a vu apparaitre un vrai clientélisme en son sein, ce qui est remarquable au niveau de certaines anomalies appelées “cas spéciaux” où l’on retrouve l’action coordonnée d’options politiques qui bénéficient à certaines communautés et individus liés aux Conseils Nationaux de l’institution indigène. Ecrit à l’encre sympathique, s’adresser au triumvirat Hilario Huirilef (PPD), Richard Mancilla (PS) et le député Eugenio Tuma est un passage obligatoire pour réussir un rachat de terrains, du fait du fort lobby qu’ils exercent au Conseil de la Conadi et s’ils sont d’accord.

La Corporation s’est convertie en un instrument de rachat de terres, comme l’indique la loi de finance de 2008, au détriment du développement éducatif et culturel. Politisée, monétisée, rationée, la Conadi part d’un chemin pavé de bonnes intentions mais couvert d’ornières politiques où les intérêts particuliers priment. De nombreux membres de la société civile souhaitent une refonte de la loi et un contrôle plus fort de l’institution pour éviter les dérives.

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Le nouveau gouvernement de Sebastían Piñera

Le 9 février dernier, Sebastían Piñera a désigné les ministres qui feront partie de son nouveau Cabinet et prendront leurs fonctions à partir du 11 mars. Comme le souligne le journal en ligne El Mostrador, ces nominations marquent un retour de la droite économique au pouvoir, avec une présence des grands groupes économiques chiliens, mais aussi d’hommes formés à Harvard, « les spéculateurs de Piñera » se plait à les appeler The Clinic.

A l’occasion d’un discours précédant cette désignation, Piñera signala qu’il avait voulu former un Cabinet « d’excellence » basé sur des personnes avec une « solide formation académique et professionnelle », une « irréprochable trajectoire politique » et caractérisées par leur « vocation de service public ». On retrouve ainsi comme Ministre des Affaires Etrangères Alfredo Moreno, accessoirement directeur des entreprises Falabella, Sodimac, Derco, Mall Plaza et ancien directeur de la Banque du Chili et de Ladeco. Laurence Golborne sera Ministre des Mines, qui fut directeur de Censosud et auparavant de Ripley. Le nouveau Ministre de l’Intérieur, Rodrigo Hinzpeter, s’est fait la réputation de l’avocat des grandes entreprises.

Dans un article du 12 février, Daniel Mansuy rappelle que comme pour toute nomination, il y a des opportunités mais aussi des risques : si Piñera a tenu une des ses promesses de campagne en incluant dans son gouvernement des indépendants et des visages jeunes, la « solide base » d’impresarios et de techniciens comporte plus d’un revers : l’Etat n’est pas une entreprise, le respect de l’intérêt général passe par les intérêts sociaux non-exclusivement économiques, mais aussi par les droits de l’homme qui ne s’achètent pas (le dernier rapport des Nations Unies à cet égard ne fait pas reluire la situation du Chili). Pour Daniel Mansuy, « Piñera devrait faire attention, car même si l’on ne se place que d’un point de vue tactique, son gouvernement ressemble à un club d’ami, et sa seule image en ressort nocive ».

A chaque tournant politique s’éveillent les mêmes craintes et les mêmes espoirs, les premiers jours de ce Cabinet seront cruciaux pour dresser le profil des 4 années à venir au Chili.

El nuevo gabinete (in La Tercera)


Ministerio Nombre Militancia
Interior Rodrigo Hinzpeter Renovación Nacional
Relaciones Exteriores Alfredo Moreno Independiente
Defensa Jaime Ravinet Democracia Cristiana
Hacienda Felipe Larraín Independiente
Segpres Cristián Larroulet Independiente pro UDI
Segegob Ena von Baer Unión Demócrata Independiente
Economía Juan Andrés Fontaine Independiente pro UDI
Mideplan Felipe Kast Unión Demócrata Independiente
Educación Joaquín Lavín Unión Demócrata Independiente
Justicia Felipe Bulnes Renovación Nacional
Salud Jaime Mañalich Independiente
Vivienda Magdalena Matte Independiente pro UDI
Transportes Felipe Morandé Independiente
Energía Ricardo Raineri
Agricultura José Antonio Galilea Renovación Nacional
Cultura Luciano Cruz-Coke Independiente
Bienes Nacionales Catalina Parot Renovación Nacional
Trabajo Camila Merino Independiente
Obras Públicas Hernán de Solminihac Independiente
Sernam Carolina Schmidt Independiente
Minería Laurence Golborne Independiente
Conama María Ignacia Benítez Independiente pro UDI

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Culture contre dictature

Nos duele Chile, de Roland Husson

Nos duele Chile, de Roland Husson

Roland Husson, « Nos duele Chile » (Nous avons mal au Chili), éditions Syllepse, septembre 2003

Après le visionnage de « Machuca », des questions sont restées en suspens. En effet 1973 fut une période trouble, il est difficile d’en expliquer les évènements à partir d’un simple film, de fiction de surcroit. Quelle était la part de vérité du contexte social présenté dans « Machuca » ? Aussi les deux prochains articles se proposent-ils d’apporter une lumière supplémentaire, sous des angles différents : il s’agira ici d’une fiche sur le court livre de Roland Husson « Nos duele Chile » témoignage de son expérience d’attaché culturel à l’ambassade de France entre 1973 et 1976, aux prémices de la dictature. Le prochain article sera consacré à une étude du film de Patricio Guzmán « Salvador Allende » (2004), une biographie cinématographique de l’homme qui gouverna le Chili de 1970 à 1973.

Dans ce court ouvrage d’une centaine de page, Roland Husson nous livre à cœur ouvert son expérience d’attaché culturel à l’ambassade du Chili, ce qu’il a vu et entendu, ce qu’il a fait ou aurait voulu faire. Il a le point de vue original d’un Français en territoire étranger, qui ne peut être qu’observateur de la déliquescence politique d’un pays mais dont la neutralité imposée par sa fonction est souvent contraire aux sentiments qui l’habitent.

Observer et témoigner

Ancien instituteur, Roland Husson (né en 1934) reçoit son agrégation de lettres modernes en 1963. C’est un intellectuel sensible aux arts et aux messages que les œuvres peuvent véhiculer, qu’elles soient engagées ou non. Avant d’arriver au Chili, il occupait un poste de diplomate aux Etats-Unis, il s’installe donc avec sa famille dans ce nouveau pays pour une durée de 3 ans, un déracinement avec toutes les contraintes que cela comporte : une autre langue, d’autres paysages et culture, de nouvelles habitudes à prendre. En poste à Santiago, Roland Husson se rend compte des responsabilités qui lui incombent : il a à sa charge 5 établissement scolaires franco-chiliens, 2 instituts culturels à Santiago et Valparaíso, une quinzaine d’enseignants et une vingtaine de coopérants techniques. Il devra diriger son équipe, dynamiser ces structures, organiser des évènements culturels et surtout générer des liens positifs entre les deux nations. Les cultures sont faites pour se comprendre et prendre à l’une ce que l’autre a d’enviable.

Arrivé à l’ambassade de France à Santiago en juin 1973, Roland Husson va être un témoin direct du coup d’Etat du 11 septembre 1973 et de ses conséquences immédiates. Il analyse brièvement les raisons de l’échec du gouvernement de Pinochet, arguments sur lesquels les avis des historiens convergent :

« Ce qui me semble évident, c’est que l’Unité Populaire mourut du sabotage des Etats-Unis, de la droite et d’un secteur de la Démocratie Chrétienne, de trop de verbiage idéologique mais aussi d’incompétence professionnelle »

Une question classique « Pourquoi écrire ? », l’auteur identifie au moins trois raisons : écrire pour témoigner d’un évènement historique marquant, chose rare dans la vie d’un homme ; écrire pour rendre hommage à ceux qui ont été écrasés par la violence militaire et à ceux qui refusèrent de se taire ; écrire pour les amis chiliens qui ont partagé des moments de joie et de peine. Dans la préface du livre, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot soulignent la modestie du style et de la narration qui caractérise l’écriture de Roland Husson, particulièrement en ce qui concerne les actions menées par les diplomates étrangers à l’aune de la dictature militaire.

La position de l’ambassade française face aux évènements de 1973

L’ambassade d’un pays dans un Etat étranger a pour fonction première la représentation de l’Etat invité, c’est donc une façade qui doit être reluisante. Elle dépend du Ministère des Affaires Etrangères qui y nomme ses représentants. Au Chili en février 1975, l’ambassadeur René Lustig remplacera Pierre de Menthon. En contrepartie de la représentation et de la faculté de tisser des liens économiques, politiques et culturels avec un Etat tiers, l’ambassade se doit de respecter la souveraineté du pays dans lequel elle se trouve, ce qui pose bien entendu problème dans le cas d’un coup d’Etat militaire et de l’instauration d’une Junte gouvernementale : quelle en est la légitimité ? Comment doit réagir l’ambassade française ? Faut-il rester neutre et s’adapter au nouveau gouvernement ? Faut-il obéir aux directives de l’Elysée et du Quai d’Orsay ? Faut-il au contraire prendre les armes avec le peuple et défendre la démocratie ?

La position officielle reste souvent la neutralité. Laisser-faire, attendre, obéir. Le gouvernement de Pompidou a adopté en 1973 une position passive, d’autant plus que les Américains tiraient plus ou moins les ficelles du jeu politique au Chili, la CIA a favorisé la prise de pouvoir d’Augusto Pinochet. Seule directive officielle du gouvernement français : faire son possible pour les Chiliens ayant un lien avec la France (famille, amis) en priorité. Règle d’or en matière de relation internationale : le terrain de l’ambassade fait partie du territoire français, en conséquence une fois la barrière franchie, un Chilien se retrouve sous la protection des autorités françaises et devient donc intouchable par les militaires. Au total, l’ambassade de France au Chili accueillera environ 400 réfugiés chiliens. « Nous accueillîmes tout l’éventail politique de la gauche ».

Roland Husson identifie 4 étapes dans la vie du réfugié qui demande son extradition :

–          obtenir un droit d’entrée dans l’enceinte de l’ambassade ;

–          remise des papiers à la chancellerie, visa pour la France ;

–          remise d’un sauf-conduit par les autorités chiliennes ;

–          le mercredi et le samedi, des bus affrétés par l’ambassade font des allers-retours à l’aéroport pour envoyer les réfugiés en France.

Tout le monde ne peut pas rentrer dans l’ambassade ; tout le monde n’obtient pas de sauf-conduit. Des Chiliens restent prisonniers dans leur propre pays, sans issue de secours.

La dignité du fonctionnaire, le cri de l’homme : la culture contre la dictature

Si Roland Husson affiche profil bas en matière diplomatique en restant consensuel, la bête politique bout en lui. L’attaché culturel s’était vite attaché à son nouveau pays et à ses populations défavorisées (las poblaciones). Il avait pris conscience des difficultés de l’édification d’un Etat social au Chili, mais avait envie d’y croire. Lors de ses voyages et ses visites, officielles ou non, Roland Husson était entré en contact avec des hommes politiques, des artistes, des familles modestes, et il avait en partie saisi la complexité de ce pays et sa souffrance. Il fut outré par la tournure que prirent les évènements ; à propos du bombardement de la Moneda, il dit ceci :

« C’était comme si les militaires avaient bombardé l’Elysée ou la Maison Blanche, le viol de toutes les valeurs et de tous les principes démocratiques ».

Après l’annonce de la mort d’Allende, Roland Husson a un acte symbolique : il achète avant leur interdiction des disques de Victor Jara et d’Angel Parra, le livre « Las Uvas y el Viento » de Pablo Neruda, et des brochures pédagogiques de Quimantú, comme pour les sauver d’un autodafé, à l’instar de Guy Montag dans « Farenheit 451 » de Ray Bradbury, qui sauve des livres des flammes des pompiers pyromanes.

Contre la dictature, et même s’il reste modeste, l’attitude de Roland Husson a été constructive. Il a opposé une arme inédite à la force et à la censure militaire : la culture franco-chilienne, créature hybride émancipatrice d’idée. Il s’agissait de trouver des points de convergence entre les deux cultures.

« Aider ceux qui devaient partir était un devoir moral, mais nous ne pouvions faciliter l’émigration de tous ceux qui auraient simplement souhaité s’éloigner. En revanche, il me paraissait nécessaire de travailler sur place avec ceux qui le voudraient. »

Deux évènements culturels organisés par l’ambassade de France en coopération avec des institutions chiliennes et des artistes ont marqué Roland Husson : l’exposition de Guillermo Nuñez et ses cages à taille humaine en 1975 ; et l’hommage à Delia del Carril en 1976. La poésie française aussi, et notamment les poèmes de Paul Eluard et d’Aragon, ont servi de tremplin pour les artistes et intellectuels chiliens qui rêvaient de liberté, voulaient en parler et la rétablir.

De cet ouvrage nous retiendrons que Roland Husson a profondément aimé le Chili et ses habitants. Son statut de diplomate l’a protégé, mais lui a aussi permis d’aider ceux qui luttaient pour un Chili libre. Comme tout témoignage, ces quelques pages contribuent au travail de mémoire.

« J’ai quitté le Chili avec un mélange de joie et de tristesse, sortir d’un pays de dictature est toujours un soulagement, même pour un étranger bénéficiant de privilèges diplomatiques. Y laisser des amis n’est pas moralement facile, surtout quand trois années de luttes communes ont tissé des liens exceptionnellement solides. Mais ma vie n’ayant pas été celle d’un militant, inscrit dans un parti, j’ai pu apprécier le pays et les gens, parfois dans une heureuse gratuité. »

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Machuca, les deux faces de Santiago

Machuca, de Andres Wood

Affiche du film "Machuca", de Andres Wood

Machuca” de Andrés Wood, Chili-Espagne, 2004, 120’

Première fiche cinématographique de ce blog, elles auront pour vocation de faire découvrir au lecteur idéalement le cinéma chilien, et plus largement sud-américain, pour sortir de la convention des blockbusters américains ou du cinéma français. Il y a des perles dans chaque pays –et des choses moins bonnes–, qui passent dans des salles d’arts et essais, il faut souvent les attraper au vol ; sinon rendez-vous à la cinémathèque du coin pour un emprunt sortant de l’ordinaire.

L’appréciation est bien sûr absolument subjective, chacun est libre d’aimer ou non un film, votre serviteur n’a rien d’un critique littéraire ou cinématographique, ce sont juste des pistes culturelles sur lesquelles le lecteur pourra cheminer si l’envie lui en prend.

« Machuca » est une coproduction hispano-chilienne de 2004 dirigée par Andrés Wood. Nous sommes en 1973, le Chili est en pleine effervescence politique : Salvador Allende a été élu président en 1970, promettant le développement social de son pays en se ralliant les partis de gauche. L’histoire se déroule juste avant le coup d’Etat d’Augusto Pinochet, appuyé par les Etats Unis qui souhaitaient reprendre le contrôle de ce pays dans un contexte de guerre froide. Les tensions sont perceptibles au sein d’une société chilienne à deux vitesses, un fossé d’incompréhension et de mépris séparant les riches des plus pauvres.

Gonzalo Infante et Pedro Machuca sont deux enfants de 11 ans vivant à Santiago, mais dans des quartiers différents. Le premier est issu d’une riche famille de rentiers, et le second d’un bidonville construit en périphérie de la ville, deux mondes littéralement séparés par un mur invisible. Pourtant, leurs destins vont se croiser au collège religieux privé que dirige le père McEnroe : cet homme idéaliste, avec le soutien et l’accord des parents, accueille entre ses murs cinq enfants d’origine modeste, dont Pedro Machuca, scolarisés gratuitement au nom d’un principe d’égalité, embryon d’un nouvel espoir alimenté par le contexte politique du moment. Il s’agit pour les enfants des deux milieux d’apprendre à se respecter mutuellement, et d’effacer les différences qui les séparent.

Gonzalo Infante est un enfant discret, timide, qui se fait molester par ses camarades de classes, arrogants et mesquins. Le même sort est réservé aux nouveaux venus, mais Gonzalo choisit de protéger Pedro Machuca. Une amitié solide se noue entre les deux enfants, l’insouciance de la jeunesse voyant au plus profond des cœurs ce qui est important, en ne tenant pas compte des différences sociales. Ensemble, ils jouent, plaisantent et partagent la même petite amie, qu’ils embrassent en buvant du lait concentré.

Les nouveaux élèves sont présentés à la classe

Les nouveaux élèves sont présentés à la classe

Pedro et Gonzalo

Pedro et Gonzalo manifestent dans les rues de Santiago

Cependant les réalités sociales rattrapent les deux amis, et les difficultés objectives de l’intégration remplacent très vite l’élan initial. « Machuca » présente le Chili de 1973 à travers les yeux de Pedro et de Gonzalo, innocents et naïfs, alors qu’autour d’eux les choses sont en train de changer. Si le film est émouvant, il propose toutefois une interprétation marxiste des évènements de l’époque, où les classes sociales laborieuses et défavorisées luttent désespérément contre une classe élitiste et privilégiée. De fait le DVD a été édité par le groupe Alavío « action, organisation et lutte pour la construction d’une nouvelle subjectivité de la classe ouvrière ». Toutefois, même si les traits sont parfois exagérés, le film soulève les bonnes questions, celles d’une société inégalitaire où les chances au départ ne sont pas les mêmes pour tous.

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« Revolución Araucaria » : la roue tourne au Chili

Ganó Piñera

Il a les dents blanches et parfaitement alignées, c’est parfait pour la photo. Des rides au coin des yeux quand il sourit ; bronzé, des cheveux d’un gris léger impeccablement coiffés ; un costume trois pièces bien repassé, qu’il troque parfois pour un jean et une chemise négligemment ouverte au col. Il présentait bien pour les affiches de sa campagne. Elles peuvent être retirées à présent. Le dimanche 17 janvier 2010, année du bicentenaire de l’Etat chilien, Miguel Juan Sebastián Piñera a été élu Président de la République du Chili avec près de 52% des voix, contre son adversaire Eduardo Frei. Ce dernier était Président entre 1994 et 2000 ; issu d’un parti de coalition de centre gauche « Concertación de Partidos por la Democracia », démocrate-chrétien, le bilan de son précédent mandat était assez mitigé, mais il devait s’inscrire dans la continuité de la présidence de Michelle Bachelet (2006-2010). Piñera avait essuyé une défaite en 2005-06, il apparait aujourd’hui fringant sur le devant de la scène.

Quel homme est le nouveau président chilien ? Sebastián Piñera est né le 1er décembre 1949 à Santiago, d’un père espagnol qui l’élève avec fermeté. Il se fait remarquer par ses résultats remarquables lors de ses études, et sort diplômé de Harvard en 1975. C’est avant tout un homme riche, classé 701e fortune mondiale par le magazine Forbes, avec 1.2 « petit » milliard de dollars dans le portefeuille. Sa fortune, il l’a principalement constituée sous le régime dictatorial d’Augusto Pinochet (1973-1990) : magnat de l’aéronautique (la compagnie sud-américaine LAN), il détient également la chaîne de télévision Chilevision, une part importante du football club Colo Colo (une des plus importantes équipes nationales chiliennes), mais aussi la société Bancard (cartes de crédit), et Apple Chile, sans compter ses intérêts dans l’immobilier ou les mines. Impliqué dans quelques scandales et esbroufes financières, il conserve une image de prestige, symbole de réussite.

Sebastián Piñera n’est pas seulement un homme d’affaire, c’est aussi un homme politique charismatique. Bien que candidat de droite au sein de la « Coalición por el Cambio » (Coalition pour le Changement, alliance des partis de la droite politique chilienne, opposée au mouvement de Concertation) et qu’ayant fait fortune grâce à la politique économique libérale du gouvernement Pinochet, il se prononce en faveur du départ de l’ancien dictateur en 1988. Il a été Sénateur de la République de 1990 à 1998, président du mouvement de Rénovation Nationale et candidat à la présidentielle de 2005. L’année 2009 marque la consécration de Sebastián Piñera, Président de la République, plus grande fortune du Chili, et contrôlant une partie des media.

Affiche de la campagne de Piñera 2010

Exit Bachelet : le système présidentiel chilien

Sebastián Piñera avait un avantage non négociable face à ses adversaires : il représentait un changement (le centre gauche dominait la politique chilienne depuis 20 ans), et ses adversaires avaient du plomb dans l’aile. Au premier tour, trois candidats se détachaient nettement des autres dans les sondages (plus ou moins objectifs) : Sebastián Piñera, que l’on ne présente plus ; Eduardo Frei, ancien Président et candidat officiel de la Concertation Nationale ; et Marco Enriquez-Ominami (MEO), 36 ans, anciennement socialiste et candidat indépendant dans cette course à la présidentielle. Gravitaient autour d’eux des figures tout de même importantes comme Jorge Arrate (Parti Communiste Chilien) ou Alejandro Navarro.

Même si dans le cas d’une coalition le candidat désigné doit rassembler les tendances, en ce qui concerne Eduardo Frei les dés étaient maladroitement pipés. La Concertation a abattu ses anciennes cartes en remettant en lice l’ex-Président, alors que son dernier mandat était très critiqué par l’opinion publique : réformes éducatives inefficaces, hausse du chômage, hausse de la délinquance… MEO avait un profil plus intéressant, parce qu’inattendu : élu député très jeune, il joue sur son image d’enfant « adoptif » de guérillero, et il a fait une partie de ses études en France. Il restait cependant assez méconnu de la population, et son manque d’expérience politique ne l’a pas rendu convainquant. Sebastián Piñera est donc passé au second tour, avec presque 52% des voix, pour un taux de participation supérieur à 90% des votants.

La donne aurait probablement été différente si la Présidente sortante Michelle Bachelet avait pu se représenter. Seulement voilà, la Constitution chilienne prévoit expressément qu’un Président ne peut briguer un mandat juste après en avoir effectué un. En d’autres termes, Michelle Bachelet pourra se présenter à nouveau dans 4 ans, pour la prochaine campagne présidentielle, à l’instar d’Eduardo Frei pour ces élections-ci. Cette femme de pouvoir affiche un bilan plutôt positif pour sa sortie de la Moneda, jouissant d’une popularité qui aurait peut être mis en déroute la droite lors du suffrage. Tel n’a pas été le cas, les Chiliens ont voté pour le changement.

Le retour de la droite : quel futur pour le Chili ?

L’alliance politique de Concertation de Partis pour la Démocratie, globalement de centre-gauche, rassemble le Parti démocrate-chrétien, le Parti pour la démocratie, le Parti socialiste du Chili, et le Parti radical social-démocrate, principalement. La Concertation gouverne le Chili depuis 1990 et la fin de la dictature militaire d’Augusto Pinochet. Il s’agissait d’une réelle rupture : d’une part, il y avait le besoin d’un retour de la démocratie et des droits et libertés fondamentaux, d’autre part la volonté d’établir un nouvel ordre économique et social. La droite extrême qu’incarnait le régime pinochetiste a hanté les esprits, rappelant les fantômes de souffrance d’une époque péniblement endurée… A la mort de Pinochet le 10 décembre 2006, la foule trouvait encore le moyen de pleurer le défunt sanguinaire. Pourtant une partie la droite s’est lentement reconstituée précisément autour d’un rejet de cet ancien épouvantail politique, et le parcours jonché d’erreurs de la part de la social-démocratie lui a donné une légitimité et une nouvelle chance.

Sebastián Piñera a rondement mené sa campagne autour d’un programme clair, il est encore trop tôt pour l’accuser de langue de bois, mais il a appuyé là où le Chili avait mal : trop d’inégalités, de pauvreté, de chômage (entre 9 et 11% selon les sources), la faute aux gouvernements précédents. En utilisant une rhétorique et des exemples très littéraires, il a su faire tourner la situation à son avantage et vendre du rêve : pour lui, la Concertation était comparable au « Guépard » de l’écrivain italien Giuseppe de Lampedusa, faire en sorte de changer pour que tout reste identique. Le mot d’ordre de la Coalition Nationale, c’est un changement qui change : « le changement, le futur, et l’espérance », « une seconde transition, nouvelle, jeune, appartenant au futur, et qui transformera le Chili d’aujourd’hui en un pays développé et sans pauvreté » (in Progama de gobierno 2010-2014).

Clairement, le programme met en avant le développement économique du pays, qui reste sur la route toute tracée du néo-libéralisme importé par les Chicago Boys  sous Pinochet (José Piñera, le frère du nouveau Président, fait partie du courant de ces économistes libéraux) et bien implanté : accroissement de la productivité, exportation, libéralisation du marché, ouverture aux capitaux étrangers, privatisations… La sécurité est un autre thème important, avec une augmentation prévue des effectifs de Carabineros de Chile (Carabiniers du Chili, la police nationale). De manière surprenante, la démocratie et la justice, l’environnement et la multiculturalité, ne sont pas des sujets bien détaillés, le programme reste évasif. En ce qui concerne les indigènes par exemple, il est fait allusion expressément à leur culture, mais pas à leurs droits, alors que ces derniers, entre autre les peuples mapuches, ont des revendications fortes auxquelles le gouvernement chilien fait habituellement la sourde oreille.

Le changement. Les Chiliens sont majoritairement pour. Il est difficile pourtant de savoir de quel changement il s’agira, la marge de mise en œuvre entre des promesses électorales et la réalité des faits est souvent large, quand ce n’est pas un fossé. Economiquement, Sebastián Piñera s’inscrit dans la continuité, il ne prévoit pas une régulation forte de l’Etat, confiant en la loi du marché. Sa proximité avec les Etats Unis annonce une politique extérieure atlantiste, au détriment d’une cohésion régionale qui peine à se former. La prépondérance des inégalités sociales et régionales au sein du pays demanderont des réformes de profondeur. Les Chiliens attendent beaucoup de ce nouveau gouvernement, les défis à venir sont nombreux, et les paris restent ouverts.

« Revolución Araucaria », un œil sur la politique et la culture chilienne

Ce tournant politique est le point de départ d’une réflexion plus globale sur le Chili. Souvent associé au « tiers-monde » dans l’imaginaire français, lointain, méconnu, c’est un pays culturellement riche dont l’histoire est intrinsèquement liée à la notre : les noms de famille ont des consonances allemandes, françaises, italiennes, espagnoles, mais aussi mapuche, aymara… On oublie trop souvent d’où viennent les populations qui habitent les terres d’Amérique du Sud : il y a celles qui étaient là avant, les premiers hommes à avoir foulé le territoire, puis les Européens portés par leur soif coloniale. Les Etats-nations se sont créés ultérieurement, dans le sang encore une fois, trop banalement, aboutissant au système géopolitique actuel.

D’une façon générale, c’est toute l’Amérique Latine qui est aujourd’hui en effervescence politique. C’est un continent qui est pris dans les mailles du filet de la mondialisation, l’arrivée des colons au 17e siècle a modifié les ordres naturels et culturels qui y préexistaient, en imposant des modèles de société étrangers. Un changement est en train de s’opérer avec des hommes comme Evo Morales en Bolivie, Hugo Chavez au Venezuela ou encore Rafael Correa en Equateur, qui ont pris conscience des particularismes de cette région du monde, et proposent une vision et une organisation sociale novatrice. A l’inverse, des Etats comme l’Argentine, la Colombie et le Chili ont une attitude coopérative vis-à-vis des puissances Occidentales (on entendra par là par volonté simplificatrice les Etats Unis et les grand Etats européens) et veulent devenir à leur tour une grande puissance économique, se soumettant ainsi aux lois de la mondialisation, ce qui selon les cas n’est pas toujours une mauvaise chose. Cependant, nous connaissons les résultats de la politique libérale du FMI ou de la Banque Mondiale qui se sont servis de pays américains comme de laboratoires pour des expériences économiques extrêmes qui ont ruiné des Etats (voir le très bon documentaire Memoria de un saqueo (Mémoire d’un saccage)  de l’argentin Pino Solanas, 2003, à propos de la crise économique argentine de 2001). Les Etats d’Amérique du sud sont donc pris dans un filet de contradictions : ils souhaitent participer à l’ordre mondial et être écoutés sur la scène internationale ; en même temps ils doivent tenir compte de leurs particularismes régionaux (culture, environnement, société), qui doivent être perçus comme une richesse et non pas un inconvénient.

Ce blog a pour vocation de garder un œil sur la vie politique et sociale chilienne après les élections de 2010. Comment le Chili va-t-il se positionner dans les prochaines années sur les plans national, régional et mondial ? L’arrivée de la droite marque un tournant, qui générera des tensions mais aussi des opportunités. Le lecteur y trouvera des réflexions de géopolitique, des évènements d’actualité, mais aussi des éléments historiques comme des fiches sur des personnages de l’histoire, et des bouts de culture chilienne, si riche (littérature, cinéma, cuisine).

Araucaria Araucana

Pourquoi l’Araucaria ? L’Araucaria araucana est une variété de pin qui pousse dans les Andes chiliennes, principalement en Araucanie, à partir de 1000m d’altitude en moyenne. C’est une vieille espèce d’arbre, préhistorique, qui était là bien avant l’homme, et les plus grands ont certainement pu contempler les différentes étapes de l’histoire humaine au Chili. Les indigènes mapuche en ramassaient les pignons pour se nourrir. Aujourd’hui c’est une espèce protégée, spécifique de la région, et dont la préservation repose sur un équilibre naturel fragile mis en danger par l’industrialisation massive de certaines zones. Un arbre emblématique, autour duquel le Chili a effectué plusieurs révolutions : il est témoin une fois encore d’un nouveau tour de roue.

Une focale particulière sera ajustée sur les populations indigènes du Chili, qui sont la mémoire de ce pays et se battent depuis 500 ans pour leurs droits et leurs terres, luttant pour leur dignité et leur héritage, un conflit d’une ampleur spécifique au Chili.

Ce blog est avant tout un espace d’échanges et de réflexion, tout apport nouveau et critique (ou compliment) sont bienvenus.

Bonne lecture,

Podrán cortar todas la flores, pero no podrán detener la primavera” Pablo Neruda

N.B. : dans les articles suivants, les sources des informations seront idéalement signalées.

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